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notre navire aurait pu jouer le rôle de chaloupe, passa à quelques mètres de nous. Il aurait pu nous couper sans nous voir tant il était haut. — À la responsabilité que suppose la fréquence de ces abordages, si j’ajoute que les chaloupes demandent souvent une grande surveillance et que souvent aussi, il faut filer de la chaîne ou du câble, vous comprendrez que le quart ne soit pas toujours une occasion de rêveries.


J’ai dit maintenant les principales péripéties de la vie du Banc. Pour revenir à mon récit, notre pêche resta jusqu’au bout au-dessous du médiocre. Le capitaine voulait faire durer la saison d’autant plus longtemps qu’il devait retourner à Saint-Pierre prendre les derniers passagers de notre armateur, c’est-à-dire que nous ne devions pas faire voile pour la France avant les premiers jours de novembre. Spéculation qui réussit rarement. Les chances de bonne pêche diminuent à mesure que la boitte vieillit, et septembre vous ménage de brutales surprises, particulièrement aux approches de l’équinoxe. Ce fut ce qui nous arriva.

Vers le 15 de ce mois, en effet, nous fûmes assaillis par une tempête plus forte qu’aucune de celles que j’avais vues jusqu’alors. Elle dura deux jours. Ce fut un vrai coup de balai sur le Banc : aucun navire ne réussit à tenir l’ancre, et plusieurs furent perdus. Dès les premières heures de la tourmente, nos chaloupes