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« brouillé », c’est-à-dire que, sur des longueurs tout à fait variables, elles sont en l’état de véritables fagots de ronces ou d’épines. Ligne principale, empèques et hameçons sont tordus et emmêlés de telle sorte qu’on ne voit plus du tout par quel bout prendre son ouvrage. Il faut alors détacher ses hameçons, suivre les mille replis des cordes les uns à travers les autres, et, une fois les cordes débrouillées, remplacer les empèques cassées, rattacher les hameçons, les boitter et « lover » les cordes avec précaution dans des paniers. Tout ce travail se fait à moitié plié en deux : il est facile d’imaginer qu’il n’a rien de récréatif ; quand la séance se prolonge, on éprouve souvent le besoin de se redresser, et, pendant la première pêche, alors que souffle la bise ou que tombent les bruines glaciales, même la neige, plus d’un s’arrête pour souffler dans ses doigts engourdis ou — chose que les matelots savent mieux faire que gens de terre — se lancer vigoureusement les bras autour du corps, afin de s’échauffer les mains.


On élonge vers le soir. Les chaloupes s’en vont avec les paniers pleins de cordes boittées. Dés qu’elles sont à cinquante mètres du bord, le maître de pêche ou patron de la chaloupe jette une petite ancre, souvent une simple pierre, sur laquelle sont « frappées » (attachées) d’une part un « orin » ou pièce de ligne dépourvue d’hameçons, dont l’extrémité supérieure est attachée à une bouée grâce à laquelle on pourra, le