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gratter avec une cuillère les taches de sang qui maculent la morue fraîchement ouverte. C’est le mousse qui remplit cet office. Après l’énoctage, elle est lavée, par le second novice ou, pour parler plus juste, par le moins fort, lequel la place aussitôt dans une espèce d’entonnoir communiquant avec une longue « dale » ou conduit, qui l’amène à fond de cale jusqu’aux pieds du saleur. Celui-ci l’empile en jetant sur chacune quelques poignées de sel. Il importe beaucoup que ces opérations soient exécutées avec soin, si l’on veut que la pêche se vende bien, si l’on veut qu’elle ait, suivant l’expression consacrée, l’apparence « loyale et marchande » exigée dans le commerce ; et c’est pourquoi tout bon capitaine y veille de très près, au salage surtout.


Malgré l’ennui que comportent de pareilles descriptions, si je veux faire comprendre la vie que l’on mène sur le Grand Banc, il me faut ajouter quelques mots sur les opérations du boittage, de l’élongement et de la levée des lignes.

J’ai déjà dit que boitter signifie amorcer les hameçons. Chaque pêcheur a au moins cinq cents hameçons, répartis sur environ cinq cents brasses de ligne (soit plus de huit cents mètres), et attachés à la ligne même par « des empéques » ou ficelles d’environ 1m20 de longueur. Quand tout va bien, quand les lignes sont revenues en bon état, ce travail prend de deux à trois heures : mais le plus souvent les lignes ont du