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apporté soit par les Anglais de Terre-Neuve, soit par les Américains du Labrador et du Canada.

Bientôt canot et chaloupes furent débarqués, et les passagers conduits à terre avec leurs bagages. On déchargea les quelques marchandises apportées, on « fit » l’eau et le sel nécessaires pour la première partie de la pêche, qui durait alors généralement jusqu’à la fin de mai pour les navires qui allaient sur le Grand Banc, et comme la boitte (hareng dont on se servait pour amorcer les hameçons pendant cette pêche) était à très haut prix par suite de sa rareté, les matelots eurent quelques jours de loisir, dont je ne connus guère les douceurs, en ma qualité de novice. Il est entendu que les novices sont les domestiques de tous. Ils veillent pendant que les matelots dorment ou réparent leurs vêtements. Sur un navire, alors même que le travail est arrêté, il y a toujours quelque coin à balayer ou à laver, quelque amarre à jeter aux embarcations qui accostent, quelques ordres à transmettre : tous ces soins incombent aux novices dans les moments de repos général, et gare à eux s’ils s’oublient. Mais tout matelot est passé par là, et après tout ce serait une bonne école si les leçons n’étaient trop souvent accompagnées de sanctions injustes et exagérées.

Pendant ces jours de farniente j’eus deux fois le bonheur d’aller à terre. La première fois ce fut avec toute ma bordée, pour aller laver notre linge. Quiconque n’a pas navigué ne peut comprendre le plaisir du marin à laver son linge dans de belle eau douce.