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fraude ! Lui aussi, il supputait encore hier le produit de ses domaines : que dis-je ? il fixait en idée le jour où il reverrait sa patrie ! O ciel ! qu’il est loin du but qu’il se proposait ! Mais ce n’est pas seulement la mer qui se rit de l’aveugle confiance des hommes. L’un, en combattant, se croit protégé par ses armes qui le trahissent ; l’autre adresse des vœux à ses dieux pénates, et périt écrasé sous les ruines de sa maison ; celui-ci tombe haletant de son char et rend l’âme ; celui-là, trop glouton, s’étrangle en mangeant ; cet autre, trop frugal, meurt victime de son abstinence. Calculez bien toutes les chances de la vie : vous trouverez partout un naufrage. Mais, dira-t-on, celui qui est englouti par les flots est privé des honneurs de la sépulture. Et qu’importe, après tout, qu’un corps, né pour périr, soit consumé par le feu, par les flots ou par le temps ? quoi qu’il arrive, le résultat est toujours le même. Cependant ce cadavre va être déchiré par les bêtes féroces. Croyez-vous donc qu’il lui soit plus avantageux d’être dévoré par les flammes ? le feu n’est-il pas regardé comme le supplice le plus rigoureux dont un maître irrité puisse punir ses esclaves ? Quelle est donc notre folie de nous donner tant de soins pour qu’aucune partie de nous-mêmes ne reste sans sépulture ? les destins, malgré nous, n’en disposent-ils pas à leur gré ? — Après ces réflexions, nous rendîmes les derniers devoirs à la dépouille mortelle de Lycas, qui fut brûlée sur un bûcher dressé par les mains de ses ennemis[3], tandis qu’Eumolpe s’occupait à faire l’épitaphe du dé-