Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/442

Cette page n’a pas encore été corrigée

tu dis vrai, te connaissant bien pour leur fils ». » Cela dit, il se lève, m’embrasse, et me mène en son logis, me faisant caresses infinies ; et cependant arrive mon frère, qui m’apportait bardes, argent, et tout ce dont j’avais besoin. Le préfet, en pleine assemblée, me déclara franc et libre. J’allai avec mon frère au port, où nous louâmes un bâtiment, et fîmes nos provisions pour retourner au pays.

« Mais avant de partir je voulus visiter celte dame qui m’avait tant aimé lorsque j’étais âne, dans la pensée qu’homme elle m’aimerait davantage encore. J’allai donc chez elle, qui fut aise de me voir, prenant plaisir, comme je crois, à la bizarrerie de l’aventure. Elle me convie à souper avec elle et passer la nuit ; à quoi volontiers je consentis, ne voulant pas faire le fier, ni méconnaître mes amis du temps que j’étais pauvre bête. Je soupe le soir, parfumé, couronné de cette chère fleur qui, après Dieu, m’avait fait homme ; et ainsi faisions chère lie. Le repas fini, quand il fut heure de dormir, je me lève, me déshabille et me présenté à elle triomphant, comme certain de lui plaire plus que jamais ainsi fait. Mais quand elle me vit tout homme de la tête aux pieds, et que je n’avais plus rien de l’âne : « Va-t’en, me dit-elle, va, crachant sur moi dépitée ; sors de ma maison, misérable, que je ne t’en fasse chasser. Va coucher où tu voudras. » Et moi, tout étonné, demandant ce que j’avais fait : « Non, tu ne fus jamais, dit-elle, l’ânon que j’aimai d’amour, avec qui j’ai passé tant de si douces nuits ; ou si c’est, toi, que n’en as-tu gardé de telles enseignes à quoi je te pusse connaître ? C’était bien la peine de te changer pour te réduire en ce point ; et le beau profit pour moi d’avoir un pareil magot, au lieu de ce tant plaisant et caressant animal ! » Cela dit, elle appelle ses gens, qui m’emportent l’un par les pieds, l’autre par les épaules, et me laissent au milieu de la rue, tout nu, tout parfumé, fleuri, en galant qui ne s’attendait guère à coucher cette nuit sur la dure. L’aube commençant à poindre, nu, je m’en cours au vaisseau, où je trouvai mon frère, et le fis rire du récit de mon aventure. Nous mimes à la voile par un vent favorable, et en peu de jours vînmes au pays sans nulle fâcheuse rencontre. Je sacrifiai aux dieux sauveurs et fis les offrandes d’usage pour mon heureux retour, étant à grand’peine recous, non de la gueule du loup, comme on dit, mais de la peau de l’âne où m’avait emprisonné ma sotte curiosité. » (Traduction de Courier.)

Cenchreas. Pomponius Mêla, Tite-Live, Pline et Strabon sont garants de l’existence et de la position de cette ville.


LIVRE ONZIÈME.

Primigenii Phryges. Les Phrygiens et les Égyptiens étaient en dispute sur l’ancienneté de leur origine. La question fut décidée en faveur des Phrygiens, suivant Hérodote.

Autochthones Attici. C’est l’épithète perpétuelle des Athéniens : on croyait qu’ils n’étaient venus d’aucun pays pour habiter le leur, comme la plupart des autres nations ; mais qu’ils en étaient originaires, et y avaient toujours demeuré.

Dictynnam. D’un mot grec qui signifie rêts ou filets.

Ariique. Ces peuples habitaient aux environs de la mer Caspienne, au pied du mont Caucase et au-dessus de la Perse.

Magno Serapi. Ce dieu des Égyptiens est le même qu’Apis et Osiris, et il était adoré par les Perses sous le nom de Mithra. Ce n’était autre que le Soleil. On le représentait avec une figure humaine, portant un boisseau sur la tête ou une règle à la main. Sérapis comprenait en lui tous les dieux, de même qu’Isis comprenait toutes les déesses.

Aram misericordiæ. Cet autel, consacré dans la ville d’Athènes par les descendants d’Hercule, servait d’asile aux malheureux. Oreste, après avoir tué sa mère, y fut conduit par son fidèle Pylade ; et là il fut un moment délivré des Furies, ou plutôt des remords vengeurs qui le dévoraient.

Litteris ignorabilibus. C’étaient les hiéroglyphes dont les Egyptiens se servaient pour représenter les principaux dogmes de la théologie, de la science morale et de la politique. Non-seulement ils servaient pour les livres sacrés, mais on les faisait graver sur des pierres, et sur des obélisques ou pyramides. Chaque marque signifiait un mot, quelquefois un sens entier : un bon roi était désigné par une mouche à miel ; le cours de l’année et ses vicissitudes, par un serpent qui mordait sa queue ; la célérité, par un épervier, etc. Pythagore, Platon, Solon, et plusieurs autres, étudièrent avec soin la science hiéroglyphique, dont les Égyptiens ont toujours fait un mystère, et sur laquelle un savant moderne, notre célèbre Champollion le jeune, a jeté de si vives lumières.

Madaurensem. Au commencement du premier livre des Métamorphoses, le narrateur se dit originaire de l’Attique et de la Thessalie. Maintenant, le voilà devenu Africain, originaire de Madaure. Cette contradiction montre assez qu’Apulée a mêlé dans ce roman, à beaucoup de détails de son invention, des faits de sa propre vie. Le onzième livre ne serait-il pas le récit de sa propre initiation ?