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tion, n’étais-je donc pas encore complètement initié ? Les deux pontifes consécrateurs auraient-ils failli en quelque point à leur saint ministère ? Déjà leur sincérité commençait à me devenir suspecte. J’étais dans une agitation d’esprit qui touchait au délire, lorsqu’une nuit la divine image vient doucement me rassurer : Cette succession d’épreuves, me dit-elle, n’a rien qui doive t’effrayer, ni te faire croire à quelque omission dans les précédentes. Réjouis-toi plutôt d’une faveur ainsi répétée. Tu dois t’enorgueillir d’obtenir trois fois ce qu’il est à peine donné à l’homme d’obtenir une. Ce nombre lui seul est pour toi le garant d’une éternelle béatitude. La consécration qui t’attend est d’ailleurs indispensable. Songe que la robe sacramentelle que tu as revêtue dans ta province ne peut jamais sortir du sanctuaire, auquel son usage est consacré ; et qu’à Rome aujourd’hui tu ne pourrais, dans un jour de solennité, faire tes supplications en costume, ni te couvrir du vêtement bienheureux, si l’ordre venait à t’en être donné. C’est donc pour ton bien, dans l’intérêt de ton avenir, que cette troisième initiation est commandée par l’autorité des dieux.

Une douce persuasion s’insinuait dans mon esprit durant cette allocution divine. Le dieu daigna me prescrire aussi ce qu’il était nécessaire de me procurer. Alors, sans plus attendre, sans remettre l’affaire au lendemain, je vais trouver le grand prêtre, et lui rends compte de ma vision. Je me soumets de nouveau à l’abstinence des viandes, prolongeant même au delà de dix jours le temps de probation prescrit par la loi. Tous mes préparatifs furent faits selon le même esprit, dans la mesure de ma faveur plutôt que suivant les exigences des règles. Mais, grâce au ciel, je n’eus regret à mes peines ni à mes dépenses ; car je vis grossir mes honoraires, et ma profession d’avocat devenir honnêtement lucrative.

À quelques jours de là, le dieu suprême entre les dieux, grand entre les grands, auguste entre les augustes, le souverain dominateur Osiris, daigna m’apparaître dans mon sommeil, non plus sous une forme empruntée, mais dans tout l’éclat de la majesté divine. Il m’engagea à persévérer intrépidement dans la glorieuse carrière du barreau, en dépit de ce que pourrait répandre contre moi la malveillance, irritée d’un succès acheté par tant de veilles. De plus, et pour ne pas me laisser confondre, dans la pratique de son culte, avec le vulgaire de ses adorateurs, il m’admit dans le collège des Pastophores, et même au nombre des décurions quinquennaux. Dès ce moment, je me fis raser les cheveux, et me dévouai sans réserve aux devoirs qu’impose à ses membres cette corporation d’antique origine, et contemporaine de Sylla ; au lieu de rougir de mon chef dégarni, je me promène avec orgueil nu-tête, et j’en fais montre à tout venant.