mandées sur l’heure, et la torture leur arrache la vérité. La maîtresse fut condamnée aux bêtes, non que l’on jugeât le supplice proportionné à ses crimes, mais parce qu’on n’imagina rien au delà.
Telle était la femme avec laquelle j’allais publiquement me conjoindre. Je voyais avec une mortelle angoisse approcher le jour de la cérémonie. Cent fois, dans mon horreur profonde, je songeai à me donner la mort, plutôt que de me laisser souiller par le contact de cette odieuse créature, et subir l’infamie d’une telle exposition. Mais, privé de la main et des doigts de l’homme, comment saisir une épée avec ce sabot court et arrondi ? Au milieu de mes maux cependant j’entrevoyais un espoir ; espoir bien faible, mais auquel je m’efforçais de rattacher le terme de mes misères. Le printemps venait de renaître. La campagne allait s’émailler, les prés se revêtir de la pourpre des fleurs. Bientôt, perçant le couvert du buisson, les roses allaient montrer leurs corolles embaumées, et peut-être me rendre à ma forme de Lucius.
Arrive enfin le jour de l’ouverture. On me conduit en pompe à l’amphithéâtre, toute la population me faisant cortège. On prélude au spectacle par des divertissements chorégraphiques. Moi, placé hors de l’enceinte, je me régalais, en attendant, du tendre gazon qui en tapissait les abords. La porte était ouverte, et mon œil curieux jouissait, par échappées, d’une ravissante perspective. Des groupes de jeunes garçons et de jeunes filles rivalisant de beauté, de parure et d’élégance, exécutaient la pyrrhique des Grecs, et décrivaient mille évolutions, dont l’art avait combiné les dispositions d’avance. Tour à tour on voyait la bande joyeuse tourbillonner en cercle comme la roue d’un char rapide, et tantôt se déployer, les mains entrelacées, pour parcourir obliquement la scène ; tantôt se serrer en masse compacte à quatre fronts égaux, et tantôt se rompre brusquement pour se reformer en phalanges opposées. Quand ils eurent successivement exécuté toute cette variété de poses et de figures, le son de la trompette mit fin au ballet. Aussitôt le rideau se baisse, les tentures se replient, le grand spectacle va commencer.
On voyait une montagne en bois d’une structure hardie, représentant cet Ida rendu si célèbre par les chants d’Homère. Du sommet couronné d’arbres verts, l’art du décorateur avait fait jaillir une source vive, dont l’onde ruisselait le long des flancs de la montagne. Quelques chèvres y broutaient l’herbe tendre ; et, pour figurer le berger phrygien, un jeune homme, en costume magnifique, avec un manteau de coupe étrangère flottant sur ses épaules, et le front ceint d’une tiare d’or, semblait donner ses soins à ce troupeau. Un bel enfant paraît ; il est entièrement nu, sauf la chlamyde d’adolescent attachée sur son épaule gauche. Tous les yeux se fixent sur sa blonde chevelure, dont les boucles laissent percer deux petites ailes d’or parfaitement semblables. À sa baguette en forme de caducée, on a reconnu Mercure. Il s’avance en dansant, une pomme d’or à la main, la remet au représentant de Pâris, lui annonçant par sa pantomime les intentions de Jupiter, et se retire après un pas gracieux.
Arrive une jeune fille que ses traits majestueux