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sion ; et, sans plus chercher à combattre une ardeur monstrueuse, cette nouvelle Pasiphaé ne soupire plus qu’après mes embrassements. Elle offrit à mon gardien, pour une de mes nuits, un prix considérable ; et le drôle trouva bon, pourvu qu’il en eût le profit, que la dame s’en passât l’envie.

Le dîner du patron fini, nous passons de la salle à manger dans la chambre où je logeais, où nous trouvâmes la dame languissant déjà dans l’attente. Quatre eunuques posent à terre quantité de coussins moelleusement renflés d’un tendre duvet, et destinés à former notre couche. Ils les recouvrent soigneusement d’un tissu de pourpre brodé d’or, et par dessus disposent avec art de ces petits oreillers douillets dont se servent les petites maîtresses pour appuyer la figure ou la tête ; puis, laissant le champ libre aux plaisirs de leur dame, ils se retirent, fermant la porte après eux. La douce clarté des bougies avait remplacé les ténèbres. La dame alors se débarrasse de tout voile, et quitte jusqu’à la ceinture qui contenait deux globes charmants. Elle s’approche de la lumière, prend dans un flacon d’étain une huile balsamique dont elle se parfume des pieds à la tète, et dont elle me frotte aussi copieusement, surtout aux jambes et aux naseaux. · · · · · · · · · · Elle me couvre alors de baisers, non de ceux dont on fait métier et marchandise, qu’une courtisane jette au premier venu pour son argent ; mais baisers de passion, baisers de flamme, entremêlés de tendres protestations : Je t’aime, je t’adore, je brûle pour toi, je ne puis vivre sans toi ; tout ce que femme, en un mot, sait dire pour inspirer l’amour ou pour le peindre. Elle me prend ensuite par la bride, et me fait aisément coucher. J’étais bien dressé à la manœuvre, et n’eus garde de me montrer rétif ou novice, en voyant, après si longue abstinence, une femme aussi séduisante ouvrir pour moi ses bras amoureux. Ajoutez que j’avais bu largement et du meilleur, et que les excitantes émanations du baume commençaient à agir sur mes sens.

Mais une crainte me tourmentait fort. Comment faire, lourdement enjambé comme je l’étais, pour accoler si frêle créature, pour presser de mes ignobles sabots d’aussi délicats contours ? Ces lèvres mignonnes et purpurines, ces lèvres qui distillent l’ambroisie, comment les baiser avec cette bouche hideusement fendue, et ces dents comme des quartiers de roc ? Comment la belle enfin, si bonne envie qu’elle en eût, pourrait elle faire place au logis pour un hôte de pareille mesure ? Malheur à moi ! me disais-je, une femme noble écartelée ! Je me vois déjà livré aux bêtes, et contribuant de ma personne aux jeux que va donner mon maître. Cependant les doux propos, les ardents baisers, les tendres soupirs, les agaçantes œillades, n’en allaient pas moins leur train : Bref, je le tiens, s’écrie la dame, je le tiens, mon tourtereau, mon pigeon chéri ! Et, m’embrassant étroitement, elle me fit bien voir que j’avais raisonné à faux et craint à tort ; que de mon fait il n’y avait rien de trop, rien de trop pour lui plaire ; car, chaque fois que, par