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transport qu’à la fin il a, non sans peine, obtenu pour lui l’objet de ses désirs. Aussitôt il réclame la récompense ; et l’or sonne dans cette main qu’à peine jusqu’alors monnaie de cuivre avait touchée.

Quand la nuit fut assez sombre, Myrmex introduisit le hardi galant, seul et les yeux bandés, jusqu’à la chambre à coucher de sa maîtresse. À peine les deux amants avaient-ils goûté les prémices d’un amour de fraîche date, et fait essai de leurs forces dans l’amoureux conflit, tous deux dans le déshabillé convenable à ce genre d’exercice ; voilà le mari qui revient contre toute attente, ayant avec intention choisi le retour de la nuit. Mon homme frappe, crie, heurte à la porte avec une pierre. Cette lenteur à lui ouvrir accroît ses soupçons, et déjà il menace Myrmex du dernier supplice. Le malheureux, dans l’excès de son trouble et ne sachant où donner de la tête, s’excuse, en désespoir de cause, sur l’obscurité qui l’empêche de trouver la clef, tant il l’a bien cachée. Cependant Philésitère, devinant bien la cause du vacarme, se rhabille à la hâte et quitte sa maîtresse. Malheureusement, dans sa précipitation, il oublia de se chausser. Myrmex s’était enfin décidé à mettre la clef dans la serrure et à ouvrir. Le maître entre, jurant par tous les dieux, et va droit à la chambre à coucher. Le valet prend son temps, fait évader Philésitère ; et, rassuré sur son propre compte, une fois que l’amant a franchi le seuil, il ferme la maison et va tranquillement se recoucher.

Au point du jour Barbarus se lève, et que voit-il sous le lit ? des sandales inconnues, celles que Philésitère a laissées. Il devine tout ; mais, dévorant son chagrin, sans dire mot à sa femme, à ses amis, il cache les sandales dans son sein ; seulement il commande à ses gens de garrotter Myrmex et de le traîner vers la place. Lui-même, rugissant à part soi, les suit à pas pressés, bien convaincu que les sandales le mettront sur les traces du galant. Le voilà sur la place, se promenant en long et en large, le sourcil froncé, les traits gonflés par la rage. Derrière lui, Myrmex étroitement garrotté, Myrmex, qui, bien que non pris sur le fait, se sent condamné par sa conscience, et cherche vainement à exciter l’intérêt en fondant en larmes.

Philésitère vient à passer. Il allait à d’autres affaires. Ce spectacle l’émeut sans le déconcerter. Il ne songe qu’à réparer son étourderie, dont il voit toutes les conséquences ; et, avec cette présence d’esprit qui lui est habituelle, il écarte les esclaves, s’élance sur Myrmex et le soufflette à belles mains, tout en ayant soin de ne pas frapper trop fort. Ah ! drôle, disait-il, ah ! gibier de potence ! Puisse ton maître que voilà, puissent tous les dieux que tu as outragés par tes parjures, te traiter comme tu le mérites, pour m’avoir hier volé mes sandales au bain ! On devrait te laisser ces liens jusqu’à ce qu’ils tombent d’eux-mêmes ; te faire pourrir au fond d’un cachot. Cette diversion adroite, l’air d’assurance du jeune homme, en imposèrent à Barbarus, qui donna en plein dans le panneau. De retour chez lui, il fait appeler Myrmex, lui remet ses sandales, et d’un ton radouci : Va, dit-il, les rendre à leur maître, à qui tu les as volées.