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trace de tes pas ; elle veut ta mort ; elle se vengera de tout son pouvoir de déesse et toi, je te trouve ici uniquement occupée de mon service, et ne songeant à rien moins qu’à ta propre sûreté ! Psyché se prosterne aux pieds de Cérès, les inonde de ses larmes, et, balayant le sol de ses cheveux, implore la déesse sous toutes les formes de prières.

Par cette main prodigue des trésors de l’abondance, par les rites joyeux de la moisson, par votre attelage ailé de dragons obéissants, par les fertiles sillons de la Sicile, par le char ravisseur, par la terre receleuse, par la descente de Proserpine aux enfers et son ténébreux hyménée, par la triomphante illumination de votre retour après l’avoir retrouvée, par tous les mystères enfin que le sanctuaire de l’antique Éleusis renferme et protège de son silence sacré, prenez en pitié la malheureuse Psyché qui vous supplie ; souffrez que je me cache pour quelques jours dans cet amas d’épis. Ou ce temps suffira pour calmer le courroux de ma redoutable ennemie, ou je pourrai du moins retrouver mes forces, épuisées par tant de fatigues.

Cérès lui répond : Je suis touchée de tes prières et de tes larmes, et je voudrais te secourir ; mais Vénus est ma parente ; c’est une ancienne amie, bonne femme d’ailleurs, que je ne veux en rien contrarier. Il te faut donc sortir à l’instant de ce temple ; et sache-moi gré de ne pas t’y retenir prisonnière.

Refusée contre son espoir, Psyché s’éloigne, emportant dans son cœur un chagrin de plus. Elle revenait tristement sur ses pas, quand son œil plongeant au fond d’un vallon, découvre un autre temple, dont l’élégante architecture se dessinait dans le demi-jour d’un bois sacré. Décidée à ne négliger aucune chance, même douteuse, de salut, et à se mettre sous la protection d’une divinité quelconque, elle s’avance vers l’entrée de l’édifice. Là se présentent à sa vue les plus riches offrandes. Aux portes sacrées, ainsi qu’aux arbres environnants, étaient suspendues des robes magnifiques ; et sur leur tissu la reconnaissance avait brodé en lettres d’or, avec le nom de la déesse, le sujet de chaque action de grâces qu’on lui rendait. Psyché fléchit le genou, embrasse l’autel tiède encore, et, après avoir essuyé ses larmes elle fait cette prière :

Épouse et sœur du grand Jupiter, toi qui habites un temple antique dans cette Samos, si fière d’avoir entendu tes premiers vagissements et de t’avoir vu presser le sein de ta nourrice ; toi que l’altière Carthage, aux opulentes demeures, honore sous les traits d’une vierge traversant les airs avec un lion pour monture ; toi qui, sur les bords que l’Inachus arrose, présides aux murs de la célèbre Argos qui t’adore ; et toi, la reine des déesses, l’épouse du maître du tonnerre ; toi que l’Orient vénère sous le nom de Zygie, et qu’invoque l’Occident sous celui de Lucine ; ah ! montre-toi pour moi Junon protectrice ! La fatigue m’accable ; daigne me préserver des dangers qui me menacent. Jamais, je le sais, tu ne refusas ta protection aux femmes sur le point d’être mères.

Pendant cette invocation, Junon lui apparaît dans tout l’éclat de la majesté céleste. Je ne demanderais pas mieux, dit-elle, que d’accueillir ta demande ; mais me mettre en opposi-