Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/348

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est introduite, et, après les baisers et les politesses d’usage, on lui demande son histoire. Psyché commence ainsi :

Il vous souvient du conseil que vous me donnâtes, d’accord avec notre autre sœur. Abusée, disiez-vous, par un monstre qui venait, se donnant pour mari, passer les nuits avec moi, il fallait, sous peine de servir de pâture à cette bête vorace, le frapper d’un poignard à deux tranchants, et j’y étais bien décidée ; mais lorsque, toujours par votre conseil, j’approchai la lampe qui devait me découvrir ses traits, quel divin spectacle vint s’offrir à mes regards charmés ! c’était le fils de la déesse Vénus, Cupidon lui-même, endormi d’un paisible sommeil. Éperdue, ivre de volupté, je cédais au délire de mes sens. Tout à coup, ô douleur ! une goutte d’huile brûlante tombe sur son épaule ; il se réveille en sursaut ; et, voyant dans mes mains le fer et la flamme : Va, me dit-il, ton crime est impardonnable. Sors à jamais de mon lit ; plus rien de commun entre nous. C’est ta sœur (et il prononça votre nom) que je veux désormais pour épouse. Il dit, et, sur son ordre, le souffle de Zéphyr me transporte hors du palais.

Psyché n’avait pas fini de parler, qu’enivrée du succès de sa ruse, sa sœur brûle d’en recueillir les coupables fruits. Pour tromper son mari, elle feint qu’on vient de lui apprendre la mort de ses parents, s’embarque en toute hâte, et fait voile vers le rocher. Zéphyr ne soufflait pas alors ; mais, dans l’espoir qui l’aveugle : Cupidon, dit-elle, reçois une épouse digne de toi ; et toi, Zéphyr, soutiens ta souveraine ! Et soudain elle s’élance de plein saut. Mais elle ne peut même arriver morte où elle voulait aller ; car les saillies des rocs se renvoyèrent les débris de ses membres, et, par un sort trop mérité, les lambeaux dispersés de son corps devinrent à moitié chemin la pâture des bêtes féroces et des oiseaux de proie.

L’autre punition ne tarda guère. Psyché, continuant sa course vagabonde, arriva dans la ville où résidait sa seconde sœur. Celle-ci, dupe de la même fiction, et rêvant comme sa devancière le criminel honneur de supplanter sa cadette, courut vite au rocher et y trouva même fin.

Pendant que Psyché courait ainsi le monde à la recherche de Cupidon, Cupidon, malade de sa brûlure, gémissait couché sur le lit même de sa mère. Or, cet oiseau blanc qui rase de l’aile la surface des mers, plongeant dans les profondeurs de l’Océan, va trouver Vénus, qui se baignait en se jouant au milieu des flots. Il lui annonce, en l’abordant, que son fils s’est fait une grande brûlure, dont la guérison est incertaine. Il ajoute que les bruits les plus fâcheux se répandent sur elle et sur sa famille : La mère et le fils, disait-on, ne sont plus occupés, l’un que d’une intrigue d’amour sur une montagne, et l’autre que du plaisir de nager au fond des mers. Adieu la volupté, adieu les grâces, adieu les jeux et les ris. Tout s’enlaidit, se rouille, s’assombrit dans la nature ; plus de tendres nœuds, de commerce d’amitié, d’amour filial. Le désordre règne ; ce n’est plus qu’une dissolution générale, un affreux dégoût de tout ce qui entretient l’union et fait le charme de la vie. La volatille babillarde n’oublia rien dans son rapport de ce qui pouvait irriter Vénus contre son fils.

Ah ! dit la déesse irritée, mon bon sujet de fils