Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/342

Cette page n’a pas encore été corrigée

nos maris et nos ménages : s’ils sont pauvres, ils sont simples du moins. Nous méditerons notre vengeance à loisir, et nous reviendrons bien en mesure de punir cette orgueilleuse.

L’odieux pacte fut bientôt conclu entre ces deux perverses créatures. Elles cachent d’abord leurs riches présents ; et, s’arrachant les cheveux, se déchirant le visage, (traitement, du reste, trop mérité), les voilà qui se lamentent sur nouveaux frais, mais cette fois par simagrée. Quand elles ont réussi à rouvrir les plaies de leurs parents infortunés, elles les quittent brusquement, et regagnent leurs demeures ; et là, gonflées de rage au point que la tête leur en tourne, elles ourdissent contre leur sœur innocente un détestable, disons mieux, un parricide complot.

Cependant le mystérieux époux de Psyché continue ses admonitions nocturnes. Tu le vois, disait-il, la Fortune déjà escarmouche de loin contre toi, et va bientôt, si tu ne te tiens ferme sur tes gardes, engager le combat corps à corps. Deux monstres féminins ont mis en commun, pour te perdre, leur infernal génie. Leur plan est de t’amener à surprendre le secret de ma figure. Or, je te l’ai dit souvent, tu ne la verras que pour ne plus la revoir. Si donc ces infâmes mégères revenaient armées de perfides desseins (elles reviendront, je le sais), point d’entretien avec elles ; ou si c’est trop exiger de ce cœur si simple et si bon, du moins sur ce qui me touche n’écoute rien, ne réponds rien. Nous allons voir s’augmenter notre famille. Enfant toi-même, tu portes un enfant dans ton sein, enfant qui sera dieu si tu respectes mon secret, simple mortel, si tu le profanes.

Grande joie de Psyché à cette nouvelle. Une progéniture divine ! un si glorieux gage de leur union ! Et ce respectable nom de mère ! Dans son impatience, elle compte les jours et récapitule les mois. Elle suit avec surprise l’incompréhensible progrès de ce petit ventre qui s’arrondit ; effet prodigieux d’une si légère piqûre. Cependant les deux abominables Furies dont la bouche distille le poison, pressaient déjà leur retour avec l’impatience du crime.

Nouvelle visite, nouvel avertissement de l’époux. Ma Psyché, voici le jour décisif ; nous touchons à la crise. Ton propre sexe, ton propre sang est armé contre toi. L’ennemi est en marche, il a pris position ; le signal est donné. Déjà tes affreuses sœurs ont le poignard levé sur toi. O ma Psyché ! quelles calamités nous menacent ! Aie pitié de toi, aie pitié de nous, et que ta discrétion inviolable conjure la ruine de ta maison, de ton mari, la tienne, celle de notre enfant. Ces femmes, qu’une haine homicide, et les droits du sang foulés aux pieds, ne te permettent plus d’appeler tes sœurs, ces sirènes vont se remontrer sur la montagne, et envoyer à l’écho des rochers leur appel perfide. Ne les reçois pas, ne les écoute pas.

Psyché répond, d’une voix entrecoupée par les sanglots et les larmes : Je vous ai montré, je pense, que je tiens ma parole et que je sais me taire ; laissez-moi vous prouver maintenant que ma persévérance n’est pas moindre que ma dis-