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sent à l’état de révolte. Ma Fotis, lui dis-je, que de grâces ! quel plaisir de te voir remuer ensemble cette casserole et cette croupe divine ! Le délicieux ragoût que tu prépares ! heureux, cent fois heureux qui pourra en tâter, ne fût-ce que du bout du doigt ! La friponne alors, aussi gaillarde que gentille : Gare, gare, pauvre garçon, me dit-elle ; cela brûle, il n’en faut qu’une parcelle pour vous embraser jusqu’à la moelle des os. Et alors, quelle autre que moi pour éteindre l’incendie ! oui, que moi ; car je ne suis pas seulement experte en cuisine ; j’entends tout aussi bien un autre service. En parlant ainsi, elle tourne la tête, et me regarde en riant. Moi, avant de lui obéir, je passe en revue toute sa personne. Mais que sert de vous la décrire en détail ?

Dans une femme, je ne prise rien tant que la tête et la chevelure. C’est ma plus vive admiration en public, ma plus douce jouissance dans l’intimité. Et, pour justifier cette prédilection, n’est-ce pas la partie principale du corps humain, celle qui est le plus en évidence, qui frappe les yeux tout d’abord ? Cet appendice naturel n’est-il pas pour la tête ce qu’une parure éclatante est pour le reste du corps ? Je vais plus loin : souvent la beauté, pour mieux éprouver le pouvoir de ses charmes, se dépouille de tout ornement, fait tomber tous les voiles, et n’hésite pas à se montrer nue, espérant plus de l’éclat d’une peau vermeille que de l’or des plus riches atours. Mais de quelques attraits que vous la supposiez pourvue, si vous lui ôtez, (chose affreuse à dire ! nous préserve le ciel de la réalité !) si vous lui ôtez, dis-je, l’honneur de sa chevelure, si son front est découronné, eh bien ! cette fille du ciel, née de l’écume des mers, bercée par les vagues, elle a beau s’appeler Vénus, avoir pour compagnes les Grâces, et le peuple entier des Amours dans son cortège ; elle a beau s’armer de sa ceinture, exhaler le cinnamome et distiller la myrrhe, une Vénus chauve ne peut plaire à personne ; non, pas même à son Vulcain.

Que sera-ce si la nature a donné aux cheveux une couleur avantageuse ou un lustre qui en relève l’éclat ; de ces teintes vigoureuses qui rayonnent au soleil, ou de ces nuances tendres, dont le doux reflet se joue aux divers aspects de la lumière ? Tantôt c’est une chevelure blonde, toute d’or à la surface, et qui prend vers la racine le brun du miel dans l’alvéole ; tantôt c’est un noir de jais, dont l’émail rivalise avec l’azur de la gorge des pigeons. Lorsque, luisants des essences d’Arabie, et lissés par l’ivoire aux dents serrées, les cheveux sont ramenés derrière la tête, c’est une glace où se mirent avec délices les yeux d’un amant : ici ils simulent une couronne tressée en nattes serrées et fournies ; là, libres de toute contrainte, ils descendent en ondes derrière la taille. Telle est l’importance de la coiffure, qu’une femme eût-elle mis en œuvre l’or, les pierreries, les riches tissus, toutes les séductions de la toilette ; si elle n’a pris un soin égal de ses cheveux, elle ne paraîtra point parée. Cet arrangement chez ma Fotis n’avait coûté ni temps, ni peine ; un heureux négligé en faisait tous les frais. Réunis en nœud au sommet de la tête, ses cheveux retombaient, gracieusement partagés, des deux côtés de son cou d’ivoire, et de leurs extrémités bouclées atteignaient la bordure supérieure