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-vous qu’on vous prête ? Il n’y a que vous qui ne sachiez pas qu’il n’entre chez nous que de bon or ou de bon argent. Allons, lui dis-je, faites-nous un autre accueil : votre maître est-il chez lui ? Oui, répondit-elle ; mais que lui voulez-vous ? J’ai une lettre pour lui de la part de Déméas, duumvir à Corinthe. — Je vais le prévenir ; attendez-moi là. Elle tire les verrous sur elle, et rentre dans la maison. Elle ne tarda pas à revenir, et, en rouvrant la porte : Mon maître désire vous voir, me dit-elle. Je la suis, et je trouve mon homme couché sur un lit très exigu, et au moment de souper. Sa femme était assise à ses pieds. Mon hôte, me montrant qu’il n’y avait rien sur table : Voilà, dit-il, tout ce que j’ai à vous offrir. C’est au mieux, répondis-je ; et je lui remets aussitôt la lettre de Déméas. Il y jette un coup d’œil rapide, et me dit : Déméas est bien aimable de me procurer un hôte de votre importance. Il fait alors lever sa femme, et m’invite à prendre sa place. Comme je m’en défendais poliment : Asseyez. vous là, me dit-il ; les sièges nous manquent. J’ai grand peur des voleurs, et mon mobilier s’en ressent.

Je lui obéis. À cette tournure élégante, continua-t-il, à cette modestie virginale, j’aurais bien deviné que vous étiez un jeune homme comme il faut, quand même la lettre de mon ami Déméas ne me l’aurait pas dit. Ne faites pas fi de ma pauvre demeure, je vous en prie. Vous voyez cette pièce ici à côté ; c’est un logement très convenable, daignez en faire votre appartement. Ce sera un grand relief pour ma maison, et pour vous l’occasion de suivre un glorieux exemple. Votre vertu va s’élever au niveau de celle de Thésée, dont votre père porte le nom. Ce grand homme ne dédaigna pas la chétive hospitalité de la vieille Hécale. Appelant alors la jeune fille : Photis, dit-il, emporte le bagage de notre hôte, et le dépose avec soin dans cette chambre. Prends dans l’office, et mets à sa disposition ce qu’il faut d’huile pour se frotter, de linge pour s’essuyer. Puis conduis-le au bain le plus proche. Il a fait un voyage pénible et de longue haleine : il doit être fatigué. À ces mots, désirant entrer dans les vues parcimonieuses de Milon et me concilier d’autant ses bonnes grâces : Grand merci, repris-je ; je ne manque jamais de prendre avec moi tout ce qu’il me faut quand je voyage. Quant aux bains, avec ma langue, je saurai bien les trouver. Mais je tiens par-dessus tout à ce que mon cheval, qui m’a été d’un excellent service, ne manque ni de fourrage ni de grain. Tiens, Photis, voici de l’argent pour en acheter.

Cela fait, et mon bagage étant rangé dans ma chambre, je sortis pour me rendre aux bains. Mais je passai d’abord au marché, afin de me pourvoir d’un souper. Il était splendidement approvisionné en poisson. Je marchandai ; et ce qu’on m’avait fait cent écus, je l’eus pour vingt deniers. Je sortais de ce lieu, quand je fis rencontre d’un certain Pythias qui avait été mon condisciple à Athènes. Il mit quelque temps à me reconnaître ; puis me sautant au cou, il m’embrassa tendrement. Qu’il y a longtemps que nous ne nous sommes vus, mon cher Lucius ! sur ma parole, pas depuis que nous quittâmes les bancs et la cité de Minerve. Et quel motif t’amène ici ? Demain tu