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dont l’élan se portait au beau, ont été comme glaces par l’iufluence d’un astre malfaisant. Paralysé du même coup, le génie oratoire s’arrêta et se tut. Qui vit-on depuis approcher de la hauteur de Thucydide, de la gloire d’Hypéride ? Pour la poésie même, plus de coloris pur et frais ; tout, comme repu du même venin, mourut avant d’être couronné par le temps. La peinture aussi ne fit pas meilleure fin, depuis que la présomptueuse Égypte imagina pour un si grand art ses méthodes expéditives. [Ces réflexions et d’autres pareilles, je les faisais un jour en présence d’un nombreux auditoire, lorsque Agamemnon s’approcha de nous, curieux d’examiner qui l’on écoutait si attentivement]

III. Il ne put souffrir de m’entendre pérorer sous le portique plus longtemps que lui-même ne s’était époumonné dans l’école. — Jeune homme, me dit-il, comme votre langage ne respire pas le goût dominant, et que vous êtes, chose bien rare, ami du sens commun, je ne vous tairai pas le secret du métier. Il n’y a nullement dans ces exercices de la faute des maîtres, obligés qu’ils sont d’extravaguer avec des fous. S’ils ne disaient en effet de ces choses qu’un peuple imberbe doit applaudir, ils professeraient, comme dit Cicéron, dans le désert. De même que les souples flatteurs qui quêtent des soupers chez les riches se préoccupent avant tout de ce qu’ils pensent devoir le mieux plaire à leur auditoire, car ils n’attraperont ce qu’ils convoitent qu’au moyen de quelque piège tendu aux oreilles ; ainsi le maître d’éloquence, le pêcheur d’écoliers, qui n’a point garni ses hameçons de l’appât dont il faut savoir que le petit poisson est friand, perd l’espoir de rien prendre, et se morfond sur son rocher.

IV. A qui donc la faute ? C’est aux parents que le blâme est dû de ne pas vouloir le progrès de leurs fils sous un sévère enseignement. D’abord, comme tout le reste, ces chères espérances sont immolées par eux à l’ambition ; puis, dans l’impatience de leurs vœux, ils poussent au barreau des intelligences qui n’ont rien digéré ; et cette robe d’orateur, pour laquelle ils avouent qu’il n’est point de taille trop haute, ils en affublent des enfants qui achèvent de naître. S’ils les laissaient dans leurs travaux avancer pas à pas, et que la jeunesse studieuse pût mûrir par de solides lectures l’âpreté de sa sève, régler son cœur sur les préceptes de la philosophie, épurer ses phrases au stylet d’une critique incisive, écouter longtemps ce qu’elle voudrait imiter, ne s’éblouir d’aucun des faux brillants qui captivent cet âge, bientôt notre noble éloquence reprendrait sa majestueuse autorité. Mais l’adolescent ne voit qu’un jeu dans les écoles ; jeune homme, on le siffle au barreau, et, chose plus honteuse que tout cela, ces études faites à contre-sens, vieux il ne veut pas en convenir. Toutefois, pour que vous ne pensiez pas que je condamne l’impromptu satirique à la façon de Lucilius, je vais, comme lui, esquisser en vers mes idées :

V.

Veuxlu nous rendre, ami d’un arl sévère,
Ses grands effets et sa mâle beauté ?
De nos aïeux garde la règle austère,
Chéris leurs mœurs et leur frugalité.
Fuis loiu des cours oii ton front s’humilie ;
Ciaius de l’asseoir à la table des grands ;
Crains de Bacchus les dangereux présents, i.
Il flétrit l’âme, il éteint le génie ; 1
El ne va pas aux suppôts de Thalie I
Prostiluer tes applaudissements. |r

Mais soil qu’Athène, ou soil qu’aux champs de l’Hespérlelî
Naples, fille de Sparte, avant tout te sonrie, I
Près des Muses d’abord, qui doivent l’élever,
Cours du divin Homère à longs traits l’abieuver. |
De Socrate à son tour que la raison l’éclairé ;