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lui donnait tous les conseils nécessaires ? Et, alors que sa sagesse défaillait, que ses avis étaient impuissants, qu'il fallait des présages, c'était lui encore qui chassait le doute du cœur de Socrate par une révélation divine. En effet, il y a dans la vie bien des circonstances où les sages eux-mêmes sont forcés de recourir aux oracles et aux devins. Ne voyez-vous pas dans Homère, comme dans un grand miroir, cette distinction nettement posée entre les conseils de la sagesse et les avertissements du ciel ? Lorsque les deux colonnes de l'armée, Agamemnon, le roi puissant, et Achille, le guerrier formidable, se séparent, on sent le besoin d'un homme sage et éloquent, qui vienne fléchir l'orgueil d'Atride et l'ardeur du fils de Pélée, qui les domine par son autorité, les instruise par ses exemples, les calme par son discours. Qui se lèvera à cette heure ? qui prendra la parole ? C'est l'orateur de Pylos, ce respectable vieillard dont la voix est si douce et la sagesse si persuasive : tous le savent, son corps est affaibli par l'âge, mais son âme est pleine de sagesse et de vigueur, et ses paroles coulent comme le miel.

Chapitre 18

Mais dans les revers de la guerre, lorsqu'il faut envoyer des émissaires qui pénétreront dans le camp des ennemis, au milieu de la nuit, qui choisira-t-on ? Ulysse et Diomède : ils représentent la prudence et la force, l'esprit et la main, la pensée et le glaive. Maintenant si les Grecs sont arrêtés en Aulide par des vents contraires, s'ils sont las d'attendre et de lutter contre les obstacles ; si, pour obtenir une mer calme, une traversée heureuse, il faut interroger les entrailles des victimes, et le vol des oiseaux, et la nourriture des serpents ; alors les deux sages de la Grèce, Ulysse et Nestor, restent silencieux : et Calchas, le plus habile des devins, jette un regard sur les oiseaux et sur l'autel ; et soudain le prophète a calmé les tempêtes, lancé les vaisseaux à la mer, et prédit un siège de dix ans. Pareillement, dans l'armée troyenne, lorsqu'il faut recourir aux augures, ce sénat si sage reste muet : nul n'ose parler, ni Hicétaon, ni Lampo, ni Clytius ; tous attendent en silence ou les terribles prédictions d'Hélénus, ou les prophéties de Cassandre, condamnée à n'être jamais crue. Et c'est ainsi que Socrate, dans les cas où les conselis de la sagesse étaient en défaut, suivait les présages de son démon, et par son obéissance respectueuse se rendait plus agréable à son dieu.

Chapitre 19

Si le génie retenait presque toujours Socrate au moment d'agir, s'il ne l'excitait jamais, c'est par une raison que nous avons déjà dite ; c'est que Socrate, homme éminemment parfait, accomplissant tous ses devoirs avec ardeur, n'avait pas besoin d'être excité, mais seulement d'être retenu, lorsque ses actions pouvaient amener quelque danger ; et ces avertissements l'engageaient à différer pour le moment des entreprises qu'il reprendrait plus tard ou par d'autres moyens. Dans ces sortes d'occasions il disait entendre une certaine voix divine (c'est l'expression de Platon) ; et il ne faut pas croire qu'il eût accepté les présages sortis de la bouche du premier venu. Un jour qu'il était hors de l'enceinte de la ville, seul avec Phèdre, sous l'ombre d'un arbre touffu, il entendit cette voix qui l'avertissait de ne pas franchir la petite rivière de l'Ilissus avant d'avoir calmé par