Page:Pétrarque - Poésies, 1842, trad. Gramont.djvu/336

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313 Et celle pour qui maintenant encore je chante en pleu- rant, sera bien étonnée d'elle-même en se voyant glorifiée entre toutes. Quand cela arrivera-t-il ? je n'en sais rien ; elle-même le sait-elle, si grande que soit la confiance que porte aux disciples plus fidèles celui qui touche à un secret si sublime ? Je crois que le terme ne peut être éloigné, et il sera fait justice des gains véritables et faux; car tout ne sera plus que des œuvres d'araignée. On verra tout le temps qu'on dépense en vains soins, et tout ce qu'on prend de fatigue et de peine inutile, quand les hommes s'abusent sur ce qu'ils ont à faire. Il n'y aura plus de secret pour ouvrir et pour fermer; toute conscience sera, soit claire soit sombre, ouverte et sans voile à tous les regards; Et le droit sera jugé et reconnu; puis nous verrons chacun prendre la route qui lui sera assignée, comme s'enfonce dans le bois un animal qu'on chasse, Et l'on verra, dans ce jour où s'efface tout prestige, l'or et les terres qui vous font marcher dans votre orgueil, devenir un blâme et non un avantage; Et seront mis à part ceux qui, soumis au frein d'une obscure destinée, eurent pour habitude de se réjouir en eux-mêmes sans avoir besoin d'autre pompe. Nous avons les cinq premiers triomphes ici-bas sur la terre, et, si Dieu le permet, nous verrons à la fin le sixième là-haut. Et le temps effacera tout; et si rapide qu'il soit, et si avare que soit la Mort en ses conquêtes, nous verrons périr à la fois l'une et l'autre. Et ceux qui ont mérité une gloire éclatante que le temps éteignit, et les beaux visages charmants qu'ont fait pâlir le temps et la mort pleine d'amertume, Renaissant alors plus beaux que jamais, rejetteront à la Mort furibonde l'oubli, les noirs et sombres aspects, et les jours ténébreux. 27