Page:Pétrarque - Poésies, 1842, trad. Gramont.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 176 exemples d'autrui, et je m'effraie de ma position, car je sens l'aiguillon qui me pousse, et je suis presque à l'extré- mité. Un des pensers qui m'occupent vient parler avec mon âme, et lui dit: Que désires-tu donc ? d'où attends-tu du secours? Malheureuse, ne comprends-tu pas combien de déshonneur amàssent sur toi ces délais ? Dépêche-toi pru- demment de partir, dépêche-toi; et extirpe de ton cœur jusqu'à la dernière racine de ce plaisir qui ne peut jamais le rendre heureux et qui ne le laisse pas respirer. Si, de- puis longtemps déjà, tu es dégoûtée et lasse de cette dou- ceur fausse et passagère que le monde trompeur peut donner à l'homme, pourquoi reposer davantage ton espé- rance en lui, puisqu'on n'y trouve ni paix ni stabilité? Pendant que ton corps est vivant, c'est toi qui tiens le frein sous la direction de tes pensers. Ainsi retire-le à toi tandis que tu le peux; car, tu le sais, il est dangereux de tempo- riser, et tu ne pourras t'y prendre à temps désormais. Tu sais bien déjà quel charme offrit à tes yeux l'aspect de celle qui devrait pour notre plus grande tranquillité n'être pas née encore. Tu te souviens bien (et tu dois t'en souvenir) de son image, alors qu'elle courut vers ce cœur où peut-être nul autre flambeau ne pouvait introduire la flamme. Elle l'embrasa, et si la trompeuse ardeur a duré bien des années, en attendant un jour qui, pour notre salut, ne vint jamais, élève-toi maintenant à une plus. heureuse espérance en regardant le ciel qui t'environne de toutes parts, immortel et splendide; car si votre pas. sion, toute joyeuse ici-bas de ses maux, est apaisée par un mouvement d'œil, une parole ou quelque chant, combien sera grand l'autre bonheur quand celui-ci est tel? De l'autre côté un penser, à la fois aigre et doux, s'as- seyant au dedans de mon âme avec un poids accablant et délicieux, oppresse mon cœur de désir et le repaît d'espé- rance, disant que la renommée glorieuse et divine l'em- pêche seule de s'apercevoir quand je gèle ou quand je brûle, et si je suis pâle ou maigre; et c'est en vain que 4