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je prierai assidûment sans me lasser, sans rougir, sans désespérer. Le Tout-Puissant, prenant pitié de mes souffrances, prêtera peut-être l’oreille à mes prières quotidiennes, et comme il ne leur aurait pas refusé sa grâce si elles étaient justes, lui-même les justifiera.

S. Augustin. Tu as raison, cependant redouble d’efforts, et, comme font ceux qui sont abattus, te redressant sur le coude, regarde de tous côtés les dangers qui te menacent, de peur que sous un choc imprévu tes membres gisant à terre ne soient écrasés. Pendant ce temps-là implore instamment l’aide de Celui qui peut te relever ; il sera peut-être près de toi alors que tu le croiras éloigné. Aie toujours devant les yeux cette maxime mémorable de Platon, dont nous parlions tout à l’heure : Rien ne nuit plus à la connaissance de la divinité que l’appétit charnel et les ardeurs de la passion. Médite donc sans cesse cette doctrine ; elle est la base de notre dessein.

Pétrarque. Pour vous faire voir que j’ai beaucoup aimé cette maxime, je l’ai saluée avec enthousiasme non seulement assise dans son palais, mais encore cachée dans des bois étrangers, et j’ai noté dans ma mémoire l’endroit où elle s’était offerte à mes regards[1].

  1. Cette métaphore hardie a besoin d’explication. Pétrarque veut dire qu’il a salué avec enthousiasme cette vérité non seulement dans Platon où elle est en quelque soi te dans son palais, mais dans d’autres écrivains, où elle se déguise sous le voile de l’allégorie.