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à laquelle se rattache la pensée de sa propre mortalité ? Tu sais ce que je veux dire, et tu as appris cela dans les livres de Platon, à la lecture desquels, disais-tu tout à l’heure, tu t’es adonné avec avidité.

Pétrarque. Je m’y étais adonné, je l’avoue, avec un vif espoir et un grand désir ; mais la nouveauté d’une langue étrangère et l’éloignement précipité de mon maître[1] ont coupé court à mon projet. Du reste, cette doctrine dont vous me parlez m’est très connue par vos ouvrages et par les écrits des autres platoniciens.

S. Augustin. Peu importe de qui tu as appris la vérité, quoique l’autorité du maître exerce souvent une grande influence.

Pétrarque. Il en exerce sur moi une très grande, l’homme dont Cicéron a dit, dans ses Tusculanes, cette parole qui est restée gravée au fond de mon âme : Quand Platon ne donnerait aucune preuve (voyez quelle déférence j’ai pour lui) son autorité seule me ferait céder[2]. Souvent en pensant à ce divin génie, il m’a paru injuste, puisque les pythagoriciens dispensent leur chef de rendre compte, que Platon fût soumis à cette obligation. Mais, pour ne point m’écarter du sujet, l’autorité, la raison et l’expérience m’ont depuis longtemps tellement recom-

  1. Pétrarque reçut à Avignon quelques leçons de grec du moine calabrais Barlaam ; celui-ci le quitta bientôt pour prendre possession de l’évêché de Gérace, dans la Calabre ultérieure, qu’il obtint par le crédit de son élève.
  2. Tusculanes, I, 21.