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un âge où tu n’arriveras peut-être jamais, et où certainement tu ne resteras qu’un temps très court, et d’oublier le terme où il faudra arriver nécessairement, et où il n’y aura plus de remède quand on y sera parvenu ! Mais, par une habitude exécrable, vous vous occupez de ce qui passe, vous négligez ce qui est éternel. Quant à cette erreur de chercher un bouclier contre la pauvreté de la vieillesse, elle t’a été suggérée sans doute par ce vers de Virgile : Et ta fourmi qui craint la vieillesse indigente[1]. Tu l’as donc prise pour modèle et tu es d’autant plus excusable que le satirique a dit : Quelques-uns même, à l’exemple de la fourmi, redoutent le froid et la faim[2]. Mais, si tu ne te bornes pas à l’enseignement de la fourmi, tu reconnaîtras qu’il n’y a rien de plus triste et de plus absurde que d’endurer toujours la pauvreté pour ne pas l’endurer un jour.

Pétrarque. Quoi donc ! me conseillez-vous la pauvreté ? Je ne la souhaite pas, mais je la supporterais vaillamment si la fortune, qui bouleverse les choses humaines, m’y réduisait.

S. Augustin. Je pense que l’on doit chercher dans toute condition un juste milieu. Je ne te ramène donc pas aux maximes de ceux qui disent : Le pain et l’eau suffisent à la vie de l’homme ; avec cela, personne n’est pauvre ; quiconque ne désire rien de plus riva-

  1. Géorgiques, I, 186.
  2. Juvénal, VI, 361.