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Pétrarque. Allons donc ! Je n’ai jamais rien entendu de plus absurde.

S. Augustin. Te voilà tout troublé ; tu as oublié ta promesse. Il n’est pourtant pas question de l’envie.

Pétrarque. Non, mais de la cupidité, et je ne crois pas que personne soit plus éloigné que moi de ce vice.

S. Augustin. Tu te justifies beaucoup ; mais, crois-moi, tu n’es point aussi étranger à ce défaut qu’il te semble.

Pétrarque. Moi, je ne suis point exempt du reproche de cupidité ?

S. Augustin. Ni même de celui d’ambition.

Pétrarque. Allons, maltraitez-moi, redoublez, faites l’office d’accusateur ; j’attends quel nouveau coup vous voulez me porter.

S. Augustin. Tu appelles accusation et coup le propre témoignage de la vérité. Le satirique a bien raison de dire : On sera accusateur en disant la vérité[1]. Et ce mot du poète comique n’est pas moins vrai : La complaisance fait des amis, la franchise des ennemis[2]. Mais dis-moi, je te prie, à quoi bon ces inquiétudes et ces soucis qui te rongent ? Était-il nécessaire, dans une vie si courte, d’ourdir de si longues espérances ? La brièveté de la vie nous défend de caresser un long espoir[3]. Tu lis cela souvent, mais tu n’en tiens pas compte. Tu me répondras,

  1. Ce vers de Juvénal (I, 161) est cité d’une façon inexacte.
  2. Térence, l’Andrienne, 68.
  3. Horace, Odes, I, 4, 15.