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est la régulatrice des actions et des paroles, elle m’est témoin que je n’ai rien dit d’arrogant.

S. Augustin. Déprécier les autres est un genre d’orgueil beaucoup plus insupportable que de s’élever soi-même plus qu’on ne doit. J’aurais bien préféré te voir exalter les autres et te mettre au-dessus d’eux plutôt que de fouler aux pieds tout le monde, et par un raffinement d’orgueil, te forger un bouclier d’humilité avec le mépris d’autrui.

Pétrarque. Prenez-le comme vous voudrez, je professe peu d’estime pour moi et pour les autres. J’ai honte de dire ce que je pense, après expérience faite, de la majeure partie des hommes.

S. Augustin. Il est très sage de se mépriser soi-même ; mais il est très dangereux et très inutile de mépriser les autres. Mais passons au reste. Sais-tu ce qui te détourne encore ?

Pétrarque. Dites tout ce qui vous plaira, pourvu que vous ne m’accusiez point d’envie.

S. Augustin. Plût à Dieu que l’orgueil ne t’eût pas nui plus que l’envie ! Selon moi, tu es exempt de ce vice ; mais j’en ai d’autres à te reprocher.

Pétrarque. Vous ne me troublerez désormais par aucune accusation. Dites-moi franchement tout ce qui m’égare.

S. Augustin. L’appétit des choses temporelles.