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serve ! j’avoue que, dans ma jeunesse, j’ai pris soin de m’arranger les cheveux et de m’orner le visage ; mais ce goût a disparu avec mes premières années, et je reconnais maintenant la vérité du mot de l’empereur Domitien, qui, parlant de lui-même dans une lettre à un ami, et se plaignant de la fuite si rapide de la beauté du corps : Sachez, dit-il, que rien n’est plus agréable ni plus éphémère que la beauté[1].

S. Augustin. Je pourrais réfuter longuement ce que tu viens de dire ; toutefois je préfère que ta conscience, plutôt que mes paroles, te fasse rougir. Je ne m’opiniâtrerai pas, je n’arracherai point la vérité par des tortures ; mais, comme font les vengeurs généreux, content d’une simple négation, je te prierai d’éviter à tout prix, dorénavant, ce que tu prétends n’avoir pas fait jusqu’à présent. Si par hasard la beauté de ton visage vient à tenter ton âme, songe à ce que deviendront bientôt ces membres qui te plaisent maintenant, comme ils seront laids et hideux, quelle répulsion ils te causeraient à toi-même si tu pouvais les revoir. Puis, redis-toi souvent cette maxime philosophique : je suis né pour une destinée plus haute que celle d’être l’esclave de mon corps[2].

Assurément c’est le comble de la folie de voir les hommes se négliger eux-mêmes pour choyer le corps et les membres dans lesquels ils habitent. Si quelqu’un est en-

  1. Suétone, Domitien, XVIII.
  2. Sénèque, Lettres, LXV.