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dit au commencement de son traité Des Biens et des Maux : Pour moi, je ne puis me demander assez d’où vient un si étrange dédain pour notre littérature nationale. Ce n’est point le lieu de traiter ici un pareil sujet ; mais je suis convaincu et j’ai souvent soutenu que la langue latine non seulement n’est point pauvre, comme on le croit communément, mais qu’elle est même plus riche que la langue grecque[1]. Et discourant là-dessus en plusieurs endroits, il s’est écrié dans ses Tusculanes : Ô Grèce ! qui te crois toujours un vocabulaire si riche, que tu es pauvre d’expressions[2] ! Il a dit cela d’un ton plein d’assurance, en homme qui se savait le prince de l’éloquence latine et qui osait déjà déclarer la guerre à la Grèce pour la gloire littéraire. Ajoutons que Sénèque, cet admirateur de la langue grecque, a écrit dans ses Déclamations : Tout ce que l’éloquence romaine peut opposer ou préférer à la Grèce arrogante a fleuri du temps de Cicéron[3]. Éloge magnifique, mais sans contredit plein de vérité. Il existe donc, comme tu vois, au sujet de la primauté de l’éloquence, une grande controverse non seulement entre vous et les Grecs, mais encore entre les plus savants des nôtres. Il en est dans notre camp qui tiennent pour les Grecs, comme il en est peut-être dans le leur qui tiennent pour

  1. Des Biens et des Maux, I, 3.
  2. Tusculanes, II, 15. Cicéron n’est pas aussi explicite. Il y a dans le texte : inops interdum (quelque fois pauvre).
  3. Déclamations, I.