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que c’est, et d’écarter cet empêchement, s’il plaît à Dieu, afin que, planant librement au-dessus de tes pensées, tu puisses secouer le vieux joug de la servitude qui pèse encore sur toi.

Pétrarque. Dieu veuille que vous réussissiez et que je sois jugé digne d’une si grande faveur !

S. Augustin. Tu en seras digne si tu veux, car cela n’est pas impossible. Mais dans les actions humaines, deux conditions sont nécessaires[1], et si l’une vient à manquer, il est certain que l’effet sera nul. Il faut donc faire preuve de volonté et d’une volonté si ferme, qu’elle mérite le nom de désir.

Pétrarque. Ainsi ferai-je.

S. Augustin. Sais-tu ce qui contrarie ta pensée ?

Pétrarque. C’est ce que je demande, c’est ce que je désire si vivement connaître.

S. Augustin. Écoute-moi donc. Je ne puis nier que ton âme ait une origine céleste ; mais par suite du contact du corps où elle est enfermée, elle a beaucoup dégénéré, n’en doute point, de sa noblesse primitive, et elle n’a pas dégénéré seulement, mais depuis un si long espace de temps elle s’est engourdie et a oublié en quelque sorte sa propre origine et son divin créateur. Virgile me semble avoir retracé admirablement les passions qui naissent de

  1. Vouloir et pouvoir.