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choses, mais surtout pour cet entretien de trois jours, car vous avez dessillé mes yeux obscurcis et vous avez dissipé le nuage épais de l’erreur dont j’étais enveloppé. Quelle reconnaissance ne dois-je point à celle qui, sans se lasser de notre bavardage, nous à attendus jusqu’à la fin[1]. Si elle avait détourné de nous ses regards, nous nous serions égarés au milieu des ténèbres, votre discours ne contiendrait rien de solide ou mon entendement ne le comprendrait pas. Maintenant, puisque le ciel est votre demeure à tous deux, tandis que, moi, je n’ai point encore cessé d’habiter la terre, et que l’incertitude où je suis du temps que je dois y passer me tourmente, comme vous voyez, de grâce, ne m’abandonnez pas, malgré toute la distance qui me sépare de vous, car, sans vous, excellent père, ma vie serait pleine de tristesse, et sans elle je ne vivrais pas.

S. Augustin. Regarde ton désir comme accompli, pourvu que tu ne t’abandonnes pas toi-même ; autrement, tu seras à bon droit abandonné de tout le monde.

Pétrarque. Je m’aiderai moi-même tant que je pourrai, je recueillerai les fragments épars de mon âme et je m’appliquerai à vivre en moi. Mais, pendant que nous parlons, des occupations nombreuses et importantes, quoique encore terrestres, m’attendent.

S. Augustin. Pour le vulgaire, il y a peut-

  1. La Vérité.