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trui. Quoique cette perte paraisse d’autant plus tardive que les livres sont plus vivaces que les tombeaux, elle est néanmoins inévitable, à cause des innombrables calamités naturelles ou fortuites auxquelles les livres sont assujettis, comme tout le reste. À défaut de cela, ils ont leur décrépitude et leur mortalité. Car tout ce que le labeur d’un mortel a produit par un vain talent doit être mortel[1], pour réfuter de préférence par tes paroles ton erreur si puérile. Quoi donc ! je ne cesserai point de te répéter tes vers : Quand les livres mourront, toi aussi tu périras ; c’est la troisième mort qui te reste à subir[2].

Tel est mon jugement sur la gloire. Je l’ai exposé plus longuement qu’il ne fallait pour toi et pour moi, mais plus brièvement que l’exigeait l’importance du sujet, à moins que maintenant encore tout cela ne te paraisse fabuleux.

Pétrarque. Pas du tout. Vos paroles, loin d’agir sur moi comme des fables, m’ont inspiré le désir nouveau de renoncer à mes anciennes idées. Car, quoique tout cela me fût connu depuis longtemps et que je l’eusse entendu souvent répéter, puisque, comme dit notre Térence, on ne peut rien dire qui n’ait été déjà dit[3], le choix des expressions, l’enchaînement du récit et l’autorité de celui qui parle ne laissent pas d’exercer une grande influence. Mais je voudrais connaître là-dessus votre opinion défini-

  1. L’Afrique, II, 455-457.
  2. Ibid., II, 464-465.
  3. L’Eunuque, 41.