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vine guérisse la folie humaine, elle ne l’excuse point. Ne compte pas trop sur cette miséricorde ; car, si Dieu déteste ceux qui désespèrent, il rit de ceux qui espèrent follement. Je regrette d’avoir entendu de ta bouche que l’on pouvait mépriser ce que tu appelles la vieille fable des philosophes sur ce sujet. Est-ce donc une fable, je te prie, de représenter par des figures géométriques la petitesse de toute la terre et d’établir qu’elle est une île plus longue que large ? est-ce une fable de diviser la terre en cinq zones dont la plus grande, celle du milieu, brûlée par les ardeurs du soleil, et les deux situées à droite et à gauche, en proie à un froid rigoureux et à des glaces éternelles, ne fournissent point d’habitation à l’homme et dont les deux autres, placées entre la zone du milieu et les deux extrêmes, sont habitées ? est-ce une fable de diviser en deux le monde habitable, d’en placer sous vos pieds une moitié défendue par une vaste mer[1] (sur la question de savoir si cette partie est habitée, tu n’ignores pas que depuis longtemps les plus grands savants sont en désaccord ; pour moi, j’ai exposé mon sentiment dans le livre de la Cité de Dieu[2], que tu as sans doute lu), et de vous laisser l’autre moitié tout entière à habiter, ou, suivant quelques-uns, en la subdivisant en deux parties, d’assigner l’une à votre usage, et d’entourer l’autre des sinuosités de l’Océan septentrional, qui

  1. Les antipodes.
  2. Cité de Dieu, XVI, 9.