Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez fou et assez impertinent pour ne pas répondre comme moi.

S. Augustin. J’approuve cette réponse, mais l’étonnement que me cause en cela la folie des hommes ne saurait être rendu non seulement par moi, mais par tous ceux qui ont étudié l’art de la parole. Réuniraient-ils dans ce but tous leurs talents et leurs efforts, leur éloquence fatiguée resterait au-dessous du vrai.

Pétrarque. Quel est le motif d’un si grand étonnement ?

S. Augustin. C’est parce que vous êtes très avares du certain et prodigues de l’incertain, contrairement à ce qui devrait être, si vous n’étiez pas tout à fait insensés. Ainsi, cet espace d’une année, quoique très court, étant promis par Celui qui ne trompe pas et que l’on ne trompe pas, pourrait être partagé et dissipé follement en réservant la dernière heure pour les soins du salut ! La démence exécrable et horrible de vous tous, c’est de dépenser le temps en vanités ridicules, comme si vous en aviez de reste, sans savoir s’il suffira aux suprêmes nécessités. Celui qui a une année de vie possède quelque chose de certain, quoique court, tandis que celui qui est sous l’empire douteux de la mort (auquel les mortels sont tous soumis), n’est sûr ni d’une année, ni d’un jour, ni même d’une heure entière. À qui doit vivre un an, quand six mois seront écoulés, il restera encore un semestre ; mais à toi, si tu perds cette journée, qui te garantira le lendemain ? Cicéron l’a dit :