Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mèdes de cette maladie soient nombreux et variés, je me contenterai d’en indiquer quelques-uns, en choisissant ceux qui, selon moi, te seront le plus salutaires, non que je veuille t’apprendre quelque chose de nouveau, mais pour te montrer, de tous les remèdes connus, quels sont ceux qui me paraissent le plus efficaces.

Il y a trois choses, suivant Cicéron, qui détournent l’âme de l’amour : la satiété, la honte, la réflexion[1]. On pourrait en compter plus ou moins ; mais, pour ne pas nous écarter d’une si grande autorité, reconnaissons qu’il y en a trois. Il est inutile de parler de la première, parce que tu croiras impossible, dans le cas présent, de pouvoir éprouver de la satiété ; mais si ta passion écoutait la raison et préjugeait l’avenir d’après le passé, tu reconnaîtrais aisément que l’objet le plus aimé peut inspirer, non seulement de la satiété, mais de l’ennui et du dégoût. Or, comme je suis convaincu que je m’engagerais vainement dans cette voie, parce que, tout en m’accordant que la satiété est possible, et qu’elle tue l’amour, tu prétendras que, par l’ardeur de ta passion, tu en es à mille lieues, ce que moi-même je ne conteste pas, il me reste à te parler des deux autres remèdes. Tu ne disconviendras pas, je crois, que la nature t’a accordé un certain talent et une âme pudique.

Pétrarque. Si je ne me trompe point

  1. Tusculanes, IV, 35.