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mède, je te prie, espères-tu trouver dans une campagne solitaire et écartée ? Je l’avoue, souvent, pendant que tu fuyais là[1], tout seul, en soupirant et en tournant tes regards vers la ville, j’ai ri de bon cœur et je me suis dit : « Voici comme l’amour a mis devant les yeux de ce malheureux un épais bandeau, et lui a fait perdre la mémoire de deux vers très connus de tous les enfants. En fuyant son mal, il court à la mort. »

Pétrarque. Vous aviez bien raison ; mais quels vers voulez-vous dire ?

S. Augustin. Ils sont d’Ovide : Amant, qui que tu sois, la solitude est dangereuse, évite la solitude. Où fuis-tu ? Tu seras plus en sûreté au milieu de la foule[2].

Pétrarque. Je me les rappelle parfaitement. Dès mon enfance, je les savais presque par cœur.

S. Augustin. À quoi t’a-t-il servi de savoir tant de choses, puisque tu n’as pas su les accommoder à tes besoins ? J’ai été d’autant plus surpris de ton erreur en recherchant la solitude, que tu connaissais les témoignages des anciens contre elle, et que tu en avais ajouté de nouveaux. Tu t’es souvent plaint, en effet, que la solitude ne te valait rien. Cette plainte, tu l’as exprimée en mille endroits, et surtout dans le beau poème que tu as composé sur ton état et dont les doux accents m’ont ravi pendant que tu le composais[3]. J’étais surpris

  1. À Vaucluse.
  2. Le Remède d’amour, 579-580.
  3. Épîtres, I, 7.