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revenir ? À moins que les hommes, comme je le crains fort, ne se soucient plus de leur corps que de leur âme.

Pétrarque. Cela les regarde, mais il est hors de doute que si je devenais malade par l’insalubrité d’un lieu, je choisirais pour me guérir un lieu plus salubre, et j’agirais de même, à plus forte raison, pour les maladies de l’âme. Mais, à ce que je vois, leur cure est plus difficile.

S. Augustin. Le témoignage unanime des grands philosophes démontre la fausseté de cette assertion. Il est évident que toutes les maladies de l’âme sont curables si le patient n’y met point obstacle, tandis que beaucoup de maladies du corps ne peuvent être guéries par aucun moyen. Du reste, pour ne point trop m’écarter du sujet, je persiste dans mon sentiment ; il faut, comme j’ai dit, préparer son âme et lui apprendre à renoncer à l’objet aimé, à ne point se retourner en arrière, à ne point regarder ce qu’elle avait coutume de voir. Ce voyage-là seulement est sûr pour un amant, et si tu veux sauver ton âme, voilà ce qu’il faut que tu fasses.

Pétrarque. Pour vous montrer que j’ai compris tout ce que vous m’avez dit, les voyages ne servent à rien si l’âme n’est point préparée ; ils la guérissent quand elle est préparée, et ils la conservent une fois guérie. N’est-ce point la conclusion de votre triple précepte ?

S. Augustin. Oui, c’est parfaitement cela, et tu résumes bien ce que j’ai développé.