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lent impitoyablement dans la conscience du fidèle, et celui-ci répond, se défend ou s’accuse avec une simplicité touchante, avouant à la fois celle des passions dont on est le plus fier : l’amour de la gloire, et ceux des défauts qui coûtent le plus à reconnaître : les petitesses de la vanité. Depuis le livre de saint Augustin, qui l’a inspirée, aucune œuvre n’a révélé à ce degré l’intimité d’une âme, et cette âme se trouve par bonheur une des plus délicates et des plus complexes qui aient jamais été[1]. »

Est-il étonnant que ces pages, écrites avec tant d’abandon, où il a épanché toute son âme, fussent l’œuvre favorite de Pétrarque ? C’était son livre de chevet, son conseiller fidèle, son mentor ; il y revenait avec bonheur dans ses heures de recueillement. C’est lui-même qui nous le dit : « Pour que cet entretien si intime ne fût point perdu, je l’ai mis par écrit et j’en ai fait ce livre. Non que je veuille le joindre à mes autres ouvrages et en tirer vanité ; mes vues sont plus élevées : le charme que cet entretien m’a procuré une fois, je veux le goûter par la lecture toutes les fois que cela me plaira. Ainsi donc, cher petit livre, fuyant les réunions des hommes, tu te contenteras de rester avec moi, en étant fidèle à ton titre, car tu es et tu seras intitulé : Mon Secret, et dans mes méditations les plus hautes, tout ce que tu te rappelles avoir été dit en cachette, tu me le rediras en cachette[2]. »

Peut-on prononcer le nom de Pétrarque sans éveiller à l’instant le souvenir de

  1. P. de Nolhac, Pétrarque et l’Humanisme. Introduction.
  2. Mon Secret, préface.