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talité de l’âme, opinion la plus belle de toutes, et voulant montrer qu’il n’éprouvait à cet égard aucun doute, et qu’il se refusait à entendre soutenir le contraire, s’est servi de ces expressions. Toi, dans l’opinion la plus honteuse et la plus fausse, tu abuses des mêmes termes. Assurément, l’âme fût-elle mortelle, il vaudrait mieux la croire immortelle. Cette erreur pourrait paraître salutaire en inspirant l’amour de la vertu que l’on doit rechercher pour elle-même, sans espoir de récompense, mais dont le désir s’affaiblirait sans doute en proclamant la mortalité de l’âme ; et d’autre part, la promesse de la vie future, quoique mensongère, n’est point inefficace pour exciter les âmes des mortels. Mais tu vois quelles seront les conséquences de l’erreur où tu es ; elle précipitera ton âme dans toutes les folies, quand la honte, la crainte, la raison qui modère la violence des passions et la connaissance de la vérité auront disparu.

Pétrarque. Je vous ai déjà dit que vous perdriez votre temps. Je ne me souviens pas d’avoir jamais rien aimé de honteux ; tout au contraire, je n’ai jamais rien aimé que de très beau.

S. Augustin. Il est certain que l’on peut aimer honteusement un bel objet.

Pétrarque. Je n’ai péché ni dans les noms ni dans les adverbes. Cessez donc de me harceler davantage.

S. Augustin. Quoi donc ! veux-tu, comme font les frénétiques, mourir en riant et en