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Pétrarque, M. P. de Nolhac a eu le désappointement de ne pouvoir l’ajouter à tant d’autres qu’il a découverts et décrits. « Ce manuscrit, dit-il, que l’on ne saurait trop regretter, est certainement rempli sur les marges de scolies et des pensées les plus secrètes[1]. » Disons-le à son honneur, M. P. de Nolhac, par un assemblage de qualités qui semblent s’exclure, joint la sagacité patiente de l’érudit à la flamme du poète[2], et un simple cri, échappé à Pétrarque dans ses notes marginales, fait naître sous sa plume des développements aussi vrais qu’inattendus.

Ce goût si vif de Pétrarque pour saint Augustin s’explique par une affinité secrète. M. de Lamartine, dont l’autorité en pareil cas ne saurait être mise en doute, a surnommé l’évêque d’Hippone le Pétrarque africain[3]. Tous deux, d’une âme ardente et d’un cœur tendre, cédèrent aux entraînements du monde ; tous deux, désabusés, brûlèrent, comme le fier Sicambre, ce qu’ils avaient adoré et firent une guerre sans relâche à ce qui les avait charmés jusque-là. C’est l’histoire de cette lutte si mouvementée de la passion et de la raison qui donne à leurs confidences tant d’intérêt. Mon Secret se distingue surtout par l’accent de la sincérité et une émotion communicative. Ce n’est point un philosophe orgueilleux qui trône, comme Jean-Jacques, au-dessus de tout le genre humain ; c’est un pénitent qui se confesse et s’humilie. Saint Augustin y remplit le rôle de grand justicier. « Les demandes du saint fouil-

  1. Thèse latine.
  2. L’Académie française a couronné ses poésies.
  3. Cours familier de littérature. Entretien XXXII.