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Mais, pour reprendre le fil de mon discours, contre la colère, contre les autres mouvements de l’âme, et surtout contre ce mal dont nous avons longuement parlé, songe toujours à quelque maxime que tu auras recueillie dans une lecture attentive. Imprime aux sentences utiles, comme je l’ai dit en commençant, certaines marques qui te serviront de crochets pour les retenir quand elles voudront s’échapper de ta mémoire. Grâce à cet appui, tu demeureras impassible devant toutes les passions, et particulièrement devant la tristesse de l’âme, qui, comme une ombre mortelle, étouffe les semences des vertus et tous les fruits du talent, et qui enfin, comme le dit très bien Cicéron, est la source et le principe de tous les maux[1].

Certes, si tu examines soigneusement les autres et toi-même (à cela près qu’il n’y a personne qui n’ait de nombreux sujets de larmes, et en outre que le souvenir de tes péchés te rend justement triste et inquiet, seul genre de tristesse qui soit salutaire, pourvu que le désespoir ne s’y glisse pas), tu reconnaîtras que le ciel t’a départi bien des dons, qui sont pour toi un sujet de consolation et de joie parmi la foule de ceux qui se plaignent et gémissent.

Quant à la plainte que tu exprimes de n’avoir pas vécu pour toi, et au dépit que te cause le tumulte des villes, tu n’éprouveras pas une médiocre consolation en

  1. Tusculanes, IV, 38.