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toit anéanti avec tant de royales demeures. Maintenant continue, car ce peu de mots sera pour toi un champ ouvert à de longues méditations.

Pétrarque. Qui exprimera suffisamment les ennuis de ma vie et mes dégoûts quotidiens dans la plus triste et la plus turbulente des villes, sentine étroite et reculée de la terre, où affluent les ordures du monde entier[1] ? Qui dépeindra ce spectacle nauséabond, ces rues infectes, ces porcs immondes mêlés aux chiens enragés, ce bruit des roues qui ébranlent les murailles, ces carrosses à quatre chevaux débouchant par des rues transversales, ces figures si diverses, tant de mendiants hideux, tant d’extravagances des riches, les uns accablés de tristesse, les autres ivres de joie et de gaieté, enfin tant de caractères différents, tant de métiers divers, l’immense clameur que forment ces voix confuses et les heurts que se donnent les passants ? Tout cela tue l’âme habituée à une vie meilleure, ôte le calme aux esprits généreux et trouble les études. Que Dieu me délivre de ce naufrage en sauvant ma nef, aussi vrai que souvent, en regardant autour de moi, il me semble que je descends tout vivant dans l’enfer ! Va maintenant te livrer à de nobles pensées ! Va maintenant, et médite des vers sonores[2] !

S. Augustin. Ce vers d’Horace m’a fait

  1. Avignon.
  2. Horace, Épîtres, II, 2, 76.