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moins. Voilà que j’ai menti une seconde fois. Je l’aime, mais en rougissant et avec tristesse. J’ai dit enfin la vérité. Oui, j’aime ; mais ce que j’aimerais à ne point aimer, ce que je voudrais haïr ! J’aime cependant, mais malgré moi, mais par force, mais avec chagrin et avec larmes, et je vérifie malheureusement en moi ce vers si fameux : Je haïrai, si je puis ; sinon j’aimerai malgré moi[1]. Trois ans ne se sont pas encore écoulés depuis que cette volonté perverse et coupable, qui me possédait tout entier et régnait seule sans opposition dans mon âme, a commencé à en rencontrer une autre rebelle et luttant contre elle. Depuis longtemps entre ces volontés il se livre dans le champ de mes pensées, au sujet de la prééminence du vieil homme et de l’homme nouveau, un combat très rude et maintenant encore indécis. » Je parcourais ainsi par la pensée mes dix dernières années. Puis je me reportais vers l’avenir et je me demandais : « Si par hasard il t’était donné de prolonger cette vie éphémère pendant deux autres lustres et de t’approcher de la vertu proportionnellement autant que depuis deux ans, grâce à la lutte de la nouvelle volonté contre l’ancienne, tu t’es relâché de ton

  1. Ovide, Les Amours, III, 11, 35.