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pandu dans mon corps reflue de toutes mes veines pour protéger la citadelle de mon cœur. Il est certain que si quelqu’un apportait par hasard une lampe rayonnante, on verrait sur mon visage endormi une pâleur mortelle, indice d’une âme saisie d’effroi. Je me réveille tout effaré, versant un torrent de larmes, et je saute à bas du lit. Sans attendre que la blanche épouse de Tithon[1] paraisse peu à peu à la voûte étoilée, je quitte l’intérieur suspect de mon habitation. Je gagne la montagne et les bois, promenant mes regards autour de moi et en arrière pour voir si celle qui était venue troubler mon repos, s’acharnant à ma poursuite, ne m’avait pas devancé. Mes paroles trouveront foi difficilement. Puissé-je échapper sain et sauf à ces embûches, comme il est vrai que souvent, quand je crois être le plus seul dans les profondeurs de la forêt, les branchages même et le tronc d’un chêne écarté me représentent son image redoutable. Il m’a semblé qu’elle émergeait d’une fontaine limpide ; elle a brillé au-devant de moi sous les nuages ou dans le vide de l’air, et en croyant la voir s’élancer vivante d’un rocher massif, mes pas se sont arrêtés suspen-

  1. L'Aurore.