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en donnant la mort. Qu’ai-je fait pour que la colère céleste ait rendu impuissants mes troisièmes vœux[1] ? Dois-je suspendre dans le temple saint la moitié de ma rame ou les lambeaux de ma tunique toute trempée ? Dois-je ériger sur une tablette d’ivoire mon image de cire dans la posture d’un suppliant ?

Pendant que je me livrais à ces réflexions, j’aperçus de loin ce rocher sur un rivage écarté et je crus que c’était un poste sûr et excellent contre mes naufrages. J’y fis voile aussitôt. Maintenant caché dans ces montagnes, j’examine en moi-même avec larmes les années de ma vie passée. Cependant cette femme me poursuit derechef et, revendiquant ses droits, tantôt elle s’offre à mes yeux pendant que je veille, tantôt d’un front menaçant elle trompe par de vaines terreurs mon sommeil léger. Souvent même, chose merveilleuse, ma porte étant fermée à triple verrou, elle fait irruption dans ma chambre au milieu de la nuit, réclamant tranquillement son esclave. Mes membres se glacent, et soudain le sang ré-

  1. Allusion à sa triple fuite d’Avignon pour combattre son amour : la première en 1333, la deuxième en 1336 et la troisième en 1337, quand il vint se fixer à Vaucluse.