Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trice qui s’était formée sur ma plaie et le repos inaccoutumé du mal me trompaient. Je lève ma tente et je retourne à une mort certaine. C’est ainsi que me poussait le destin cruel, c’est ainsi que mon illusion entraînait mon âme et moi.

À peine m’étais-je arrêté aux confins de la ville aimée[1], que l’ancien fardeau de mes peines retomba dans mon cœur vide et que la contagion de mon horrible maladie reparut. Que vous dirai-je ? Par où commencerai-je, hélas ! le récit de mes secondes larmes ? Qui me croira ? Avec quel art expliquerai-je dans mes vers combien de fois la douleur m’a poussé soit à invoquer la mort, soit à prendre un parti violent, et quelles souffrances m’a imposées le désir de recouvrer ma liberté ? Je me tairai donc. Mais lorsque les dernières chaînes tombèrent enfin de mon cou, tout mon espoir se tourna du côté de la fuite. Jamais nautonier n’a craint un écueil nocturne autant que je redoute maintenant le visage de cette femme, ses paroles qui remuent le cœur, sa chevelure d’or, le collier de son cou de neige, ses épaules légères et ses yeux qui plaisent tout

  1. Avignon.