Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combien de soucis le seuil on est semé ? Arrêtez vos pas, je vous le conseille ; fuyez les dangers d’un monde misérable, pendant qu’un vent propice enfle vos voiles. Ici, croyez-moi, mon père, vous vivrez dans la paix et la tranquillité. Je vous rappelle à votre domaine ; ce qu’exige le besoin, vous l’aurez. Laissons aux avares tremblants le soin du superflu ; le doux éclat de l’or enchaîne le cœur de nœuds amers. Les murs ne seront point couverts de tapisseries, mais les corps seront vêtus simplement ; il y aura des aliments nourrissants et non des mets, fléau de l’estomac. On ne montera point sur le lit par des marches d’ivoire, mais il recevra les membres fatigués par les travaux du jour. Vous ne verrez point briller la pourpre sur une couche pleine de soucis ; vous n’aurez point un lit de marbre éclatant de blancheur. Vous ne foulerez ni les diamants ni la pourpre, mais des prairies couvertes d’un vert gazon et entourées d’un fleuve naissant.

Vous qui avez reçu du ciel un esprit fécond, vous verrez ce que vous avez à faire. Pour moi, je suis résolu à mettre à sec ma barque fragile ; l’heure dernière de la mort m’avertit de ne point gagner le large et de me contenter de mes petits jardins. Ceux-ci ne laissent pas de porter des