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vivre, à l’abri des guerres et des tristes procès. Là sera la terre de ma patrie, cher Philippe, vénérable prélat ; là, ma montagne de l’Hélicon ; là, ma fontaine Aganippe[1]. Là, j’ai laissé se reposer les Muses fugitives et fatiguées, et vous y trouverez un asile avec moi, si vous voulez l’accepter. Si les livres peuvent faire trêve à vos soucis, ils me feront oublier à moi une guerre désastreuse. Là nous retrouverons, vous Naples, et moi ma chère Parme, que ne troubleront ni les embûches ni l’appel aux armes[2].

Que d’autres aiment les richesses, moi j’aspire à une vie tranquille ; celui-ci veut un trône, celui-là le repos ; il me suffit d’être poète, titre assez commun pour ne pas craindre d’en augmenter le nombre. Et vous, las des honneurs, ne songerez-vous jamais au repos ? Vous allez et venez, sillonnant la mer sur un navire battu des flots. Ne voyez-vous pas combien la mort est à craindre ? Ne voyez-vous pas les périls et les difficultés de la cour ; comme la faveur y est trompeuse, de

  1. Source du Permesse, fleuve de Béotie sortant de l’Hélicon.
  2. Philippe de Cabassole était alors chargé d’une négociation auprès de la cour de Naples ; Pétrarque venait de quitter Parme en proie à la guerre civile.