Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saints et emmenant au ciel les ombres épuisées par de longs tourments, n’eût effacé la crainte dans nos cœurs et ne nous eût donné l’espoir de ressusciter après notre mort. » Ce sage roi faisait sans doute toutes ces réflexions. Ou bien ce prince magnanime, se rappelant une indigne trahison, figurait par ce petit fleuve Scylla et Charybde, là où la mer sépare les côtes de la Sicile du rivage de la Calabre et où l’onde reflue avec un horrible fracas, puis il menaçait le tyran sicilien[1] d’un juste et terrible châtiment. Enfin, quelles que fussent les pensées de ce héros, elles ne pouvaient qu’être sublimes et au-dessus de l’humanité. Les villageois qui se souviennent encore de lui montrent ses traces sur la rive verdoyante et le peuple des campagnes les adore.

Si vous le pouvez, restez donc ; mais vous ne le pouvez pas. Ô excellent père, qui m’êtes plus cher que la vie, et que pour cela j’ai tant désiré en vain, venez voir non ma personne mais le siège charmant d’un roi vénérable que les années n’ont point encore détruit. Les habitants de la contrée vous le montreront du doigt avec orgueil, et leurs neveux, croyez-moi, le célébreront par

  1. Frédéric II, d’Aragon, qui s’était fait nommer roi de Sicile au mépris des droits de Robert II d’Anjou.