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vers la terre. Peut-être commençait-il déjà à rechercher les causes d’un phénomène et se demandait-il tout bas sous l’influence de quel astre le fleuve surgissait avec tant d’impétuosité, puis modérait son cours ; avide et haletant de savoir, il pénétrait, guidé par son génie, dans les entrailles de la terre immense. Peut-être adressait-il à sa fortune ces sublimes paroles : « Pourquoi me suggérer de fausses douceurs et jeter sur moi, perfide, des regards caressants ? Je sais que je suis mortel, quoique tout le monde sans exception me décerne le diadème d’une voix unanime. Je sais que tu es rarement fidèle, et fusses-tu souriante envers moi aussi longtemps que tu l’as été envers Métellus[1], la mort fera disparaître tout cela et brisera tes dons d’un seul coup. Nul fleuve ne coule avec plus de rapidité que le temps de la vie, toutefois les fleuves renouvelés dans leurs sources restent éternellement ; la vie, en nous quittant, où va-t-elle ? Elle va d’où elle serait revenue un jour, si le vainqueur de la mort qui jadis entré dans le Tartare en sortit triomphant, retirant par force ses membres de son sépulcre fermé, entraînant avec lui la troupe heureuse des

  1. Q. Métellus, dit le Macédonique, mourut comblé d’honneurs dans une extrême vieillesse, en 115 avant J.-C.