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grottes sous des rochers exposés au soleil, favorables aux poètes sacrés, ne vous charment point ; si la douceur du climat, si la cime escarpée de la montagne qui se perd dans les nues, si Bacchus couronné de feuilles sur les coteaux, si l’arbre de Minerve ou celui de Vénus[1] sont pour vous sans attrait ; si les prairies qui couvrent les deux rives, ombragées de peupliers, émaillées de fleurs sans nombre et de plantes d’une verdure agréable, ne séduisent point vos yeux ; si la rivière qui sépare ces champs, qui, en roulant ses eaux inépuisables, remplit Vaucluse d’un murmure qui invite au sommeil, qui voit des deux côtés mille danses des nymphes et qui entend sur ses bords autant de chants des Muses, vous laisse insensible ; si la tourterelle qui d’une voix rauque gémit sur son amie mourante comme si elle envoyait une offrande à cette ombre chérie ; si Philomèle qui raconte son destin cruel, sa langue arrachée, son honneur ravi, et l’horrible Térée quand, perchée au haut d’un orme touffu, elle répète d’un ton plaintif son chant pieux et doux, qu’elle passe les nuits sans sommeil et fuit le repos ; si Progné qui, voltigeant dès l’aurore, dé-

  1. L’olivier ou le myrte.