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affection et une tendresse si inappréciables que, ne pouvant les exprimer par des paroles, il faut les renfermer dans le silence. Entre autres, sachant que j’avais mené dès mon enfance une vie cléricale, pour m’attacher plus étroitement non seulement à sa personne, mais encore à ma patrie, il me fit nommer chanoine de Padoue ; et, en somme, si sa vie eût été plus longue, j’aurais mis un terme à mes voyages et à mes pérégrinations. Mais, hélas ! rien n’est durable ici-bas, et s’il se présente quelque douceur, elle finit bientôt par l’amertume. Deux ans ne s’étaient pas écoulés que Dieu l’enleva à moi, à sa patrie et au monde, qu’il avait déjà quitté parce que ni moi, ni sa patrie, ni le monde (l’amitié ne m’aveugle pas), n’étions dignes de lui. Et quoiqu’il ait eu pour successeur son fils, homme très sage et très distingué, qui, marchant sur les traces de son père, me témoigna toujours de l’amitié et de la considération, toutefois, après avoir perdu celui avec lequel je m’accordais le mieux, surtout à raison de l’âge, je retournai de nouveau en France, moins dans le désir de revoir ce que j’avais vu mille fois que dans l’intention de soulager mes ennuis, comme font les malades, par le déplacement.