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que je ne m’éteigne moi-même. À mon retour fatigué de tout, mais ne pouvant supporter le dégoût et l’aversion que je ressens naturellement au fond de l’âme pour la ville la plus ennuyeuse du monde[1], je cherchai une retraite où je pusse me réfugier comme dans un port. Je rencontrai une vallée très étroite, mais solitaire et agréable, nommée Vaucluse, distante de quinze milles d’Avignon, et où la reine de toutes les fontaines, la Sorgues, prend sa source. Séduit par l’agrément du lieu, j’y transportai mes livres et ma personne.

Il serait trop long d’énumérer ce que je fis là pendant maintes années. En résumé, presque tous les opuscules qui sont sortis de ma plume (et le nombre en est si grand qu’ils m’occupent et me fatiguent encore jusqu’à cet âge) ont été faits, commencés ou conçus là. Mon esprit, de même que mon corps, a eu plus de dextérité que de vigueur. Aussi ai-je renoncé à plusieurs ouvrages dont le projet m’avait paru facile, mais dont l’exécution était difficile. L’aspect des lieux me suggéra d’écrire un poème bucolique, œuvre pastorale, et les deux livres de la Vie solitaire,

  1. Avignon.